SARKOZY RETOURNE SON BOUBOU FRANCAFRICAIN !
Au fait, pourquoi ne reparle-t-on plus de Bourgi ?
Régis Soubrouillard - Marianne | Lundi 14 Septembre 2009 à 07:01 | Lu 2773 fois
Cotonou au Bénin. Mai 2006. Dans un discours puissant, le ministre de l'Intérieur de l'époque, un certain Nicolas Sarkozy exhorte la France et l’Afrique à «
construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée,
débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de
part et d'autres de la Méditerranée. Cela implique plusieurs
changements de fond, dont certains sont heureusement à l'œuvre.
D'abord,
cette relation doit être plus transparente. Il nous faut la débarrasser
des réseaux d'un autre temps, des émissaires officieux qui n'ont
d'autre mandat que celui qu'ils s'inventent. Le fonctionnement normal
des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les
circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut
définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des
ambiguïtés. Il nous faut aussi ne pas nous contenter de la seule
personnalisation de nos relations. Les relations entre des Etats
modernes ne doivent pas seulement dépendre de la qualité des relations
personnelles entre les chefs d'Etat, mais d'un dialogue franc et
objectif, d'une confrontation des intérêts respectifs, du respect des
engagements pris. A nous Français de renier tout paternalisme,
d'exclure toute condescendance à l'endroit des Africains. Et surtout
plus de respect. (…)
A nous aussi de débarrasser la relation
Afrique-France de ses fantasmes et de ses mythes qui la polluent.
Disons les choses clairement : la France n'a pas les intentions et
l'influence qu'on lui prête. On lui prête la faculté de redresser les
situations, de rechercher des intérêts économiques que nous n'avons pas
et d'être capables d'assurer la stabilité ou de créer l'instabilité
dans un pays. Bien souvent d'ailleurs, les deux fantasmes sont mêlés :
la politique de la France en Afrique aurait pour seul objectif de
s'approprier les ressources géologiques du continent. Où est la vérité
? A ceux qui pensent cela, je veux quand même rappeler qu'il n'existe
plus de compagnie minière française, et que les entreprises françaises
présentes en Afrique sont surtout spécialisées dans les services ».
Que de mots doux et de vœux pieux adressés au peuple africain et au continent africain.
On
s’amuse, certes un peu, de la fin de cet extrait quand on connaît les
intérêts de Total, Bolloré et autres empires industriels Français qui
ont fait de l'Afrique leur terrain de jeu.
Depuis, de l’eau a coulé
sous les ponts, Sarkozy est devenu président de la République. Plein de
bonnes intentions, il nomme, motivé par ce fameux esprit d’ouverture,
le socialiste Jean-Marie Bockel à la coopération. Marchant dans les pas
du président, en 2008 à Brazzaville, au Congo, Bockel affirme que « La
Françafrique est moribonde. Je veux signer son acte de décès. Il ne
s’agit pas de faire la morale, mais d’aider au développement ».
La
Françafrique a vécu. On y aurait presque cru. Ne manquaient plus que
les applaudissements et le passage aux actes. Car au-delà des
incantations, reste le poids des traditions de la Vème République qui
ont fait le bonheur de pas mal de présidents africains et d’hommes
politiques français.
Deux ans après l’accession au pouvoir de
Nicolas Sarkozy, force est de constater que le président a plié sous le
poids de l’histoire, des politiques et des industriels, renonçant à la
rupture et à toutes ses promesses sur le sujet.
Sarko en Afrique - Plon
Conseiller, ami et « pigeon voyageur » Afrique du président, l’avocat d’affaires Robert Bourgi a raconté sur RTL, chez Jean-Michel Aphatie,
l’épisode surréaliste de l’éviction de Jean-Marie Bockel de son poste
de secrétaire d’Etat, demandé instamment par Omar Bongo. Certes
l’histoire était connue, mais le récit par l’exécutant des basses
œuvres de la Françafrique n’en a que plus de force : « un soir je
reçois un appel du président Bongo. Fiston, est-ce que tu peux venir me
voir. Ca peut pas continuer, il faut que tu dises à Nicolas que moi et
les autres, nous ne voulons plus de ce ministre. Je suis allé voir le
président de la République à l’Elysée, en présence de Monsieur Guéant,
et je lui ai passé le message de façon ferme et voilée de menaces du
président Bongo. Il m’a dit : « Dis à Omar que Monsieur Bockel partira
bientôt et sera remplacé par un de mes amis et un ami de Monsieur
Guéant ». Il m’a donné le nom, en me demandant de le garder pour moi ».
Bourgi
reçoit la mission d’initier, Alain Joyandet, le nouveau venu, à
l’Afrique. Par ailleurs, l'avocat reconnaît, assume et impose
l'existence d’une diplomatie parallèle, renvoyant le quai d’Orsay à un
rôle anecdotique.
Des propos ahurissants, autant sur le fond que sur la forme –Bourgi donnant notamment du « Papa » à Bongo - entièrement démentis par Henri Guaino au club de la presse Internet . Il
faut dire que l'itnerview de Bourgi, ou plutôt la forme qu'il a revêtu,
a beaucoup agacé à l'Elysée. Cependant, revenu sur le même sujet dans le Journal du DImanche de Samedi, Claude Guéant a été moins catégorique, ou, si l'on veut, plus prudent que Guaino : « Robert
Bourgi ne peut pas se poser en représentant de la France ou de son
président. Je le lui ai dit. Ceci dit, M. Bourgi connaît bien l’Afrique
et ses dirigeants. A ce titre, il est utile, dans la compréhension que
nous avons de ce continent. Cela ne fait de lui ni notre agent, ni
notre porte-parole »
.
L’interview de Bourgi a été peu relayée. Personne ne s‘en étonne. Pourtant l’expression « voilée de menaces » relayée par Bourgi, ne lasse pas d'interroger. Surtout quand on refeuillette le livre « Sarko en Afrique » d’Antoine
Glaser et Stephen Smith. Les deux journalistes, spécialistes de
l’Afrique, suggéraient l'existence d'un « lien d'argent » entre Bongo
et la Sarkozie, évoquant notamment l’hypothèse de financements de
campagnes électorales. Un secret bien gardé vaut bien la tête d’un
secrétaire d’Etat…